mardi 13 février 2018

Carême : Mgr Lefebvre recommande le jeûne

Le carême commence demain par le mercredi des cendres; M. l'abbé Pivert nous fournit quelques éléments bien utiles pour faire ce carême dans l'esprit de l'Eglise en s'appuyant sur Mgr Lefebvre, ses lettres et ses consignes ainsi que les directives du Code de droit canon.

Lettre de Mgr Lefebvre sur le carême aux fidèles de la Tradition  

Lettre de Mgr Lefebvre sur le carême 

aux fidèles de la Tradition

+ le 14 février 1982

Bien chers fidèles,

Selon une ancienne et salutaire tradition dans 1’Église, à l’occasion du Carême, je vous adresse ces quelques paroles pour vous encourager à entrer de toute votre âme dans ce temps de pénitence, avec les dispositions voulues par l’Église et dans le but pour lequel elle l’a prescrit.
Si je recherche dans les livres du début du siècle les fins pour lesquelles l’Église a prescrit ce temps de pénitence, ils en indiquent trois :
— d’abord réprimer la concupiscence de la chair
— puis faciliter l’élévation de nos âmes vers les réalités divines
— enfin satisfaire pour nos péchés.

N’est-ce pas ce dont Notre Seigneur nous montre l’exemple au cours de son existence ici-bas : prier et faire pénitence. Mais n’ayant ni concupiscence, ni péché, il a fait pénitence et satisfait pour nos péchés, nous montrant par là que notre pénitence peut être bénéfique non seulement pour nous, mais pour notre prochain.

Prier et faire pénitence. Faire pénitence pour mieux prier, pour nous approcher davantage de Dieu, voilà ce que tous les Saints ont fait, ce que la Vierge Marie rappelle dans tous ses messages.
Oserons-nous dire que cette nécessité est moins grande à notre époque qu’aux époques précédentes ? Nous pouvons et devons au contraire affirmer que jamais plus qu’aujourd’hui la prière et la pénitence sont nécessaires, parce qu’on a tout fait pour diminuer et mépriser ces deux éléments fondamentaux de la vie chrétienne.

A-t-on jamais comme aujourd’hui cherché à satisfaire sans aucune limite tous les instincts désordonnés de la chair, jusqu’à l’assassinat de millions d’innocents. On croirait de même que la société n’a de raison d’être que de donner le maximum de “standing” de vie à tous les hommes, pour leur éviter toute privation des biens matériels.

Ainsi le but de la Société serait opposé à ce que prescrit 1’Église. Et l’on comprend qu’en ces temps où les hommes d’Église s’alignent sur l’esprit du monde, on assiste à la disparition de la prière et de la pénitence, et particulièrement dans leur aspect de réparation pour les péchés, d’obtention du pardon des fautes. Qui aime aujourd’hui redire le psaume si émouvant du “Miserere” et répéter avec le psalmiste « Peccatum meum contra me est semper : mon péché est toujours devant moi » ? Et comment une âme chrétienne peut-elle éloigner la pensée du péché si l’image du crucifix est toujours devant ses yeux ?
*
Les Évêques ont demandé au Concile une diminution telle du jeûne et de l’abstinence que ces prescriptions ont pratiquement disparu. Nous devons reconnaître que cette disparition est une conséquence de l’esprit œcuménique et protestant qui nie la nécessité de notre participation pour l’application des mérites de Notre Seigneur à chacun de nous, pour la rémission de nos péchés et la restauration de notre filiation divine.

Tandis qu’autrefois les commandements de l’Église prévoyaient :
— le jeûne obligatoire pour tous les jours du Carême excepté les Dimanches, pour les jours des Quatre-temps et plusieurs vigiles
– l’abstinence pour tous les Vendredis de l’année, les Dimanches de Carême, et dans de nombreux diocèses tous les Samedis de l’année.[1]
Que reste-t-il aujourd’hui de ces prescriptions ?
– le jeûne le Mercredi des cendres et le Vendredi Saint
– l’abstinence le Mercredi des cendres et les Vendredis de Carême.
On peut se demander, pourquoi une telle diminution.
Quels sont ceux qui sont astreints au jeûne ?
– les adultes de 21 ans jusqu’à l’âge de 60 ans

Qui doit observer l’abstinence ?
– Sont astreints à l’abstinence tous les fidèles à partir de l’âge de 7 ans.
Qu’est-ce que le jeûne ? C’est ne faire qu’un repas par jour, auquel il est permis d’ajouter deux collations, une le matin et une le soir, ne dépassant pas deux onces, soit 60 g d’aliment solide.
Qu’est-ce que l’abstinence ? C’est s’abstenir de viande.
Les fidèles qui ont vraiment l’esprit de foi et qui comprennent profondément les motifs de l’Église, qui ont été indiqués ci-dessus, auront à cœur non seulement d’accomplir ces légères prescriptions d’aujourd’hui, mais entrant dans l’esprit de Notre Seigneur et de la Vierge Marie, ils porteront les péchés qu’ils ont commis et ceux de leur prochain, de leur famille, de leurs amis, de leurs concitoyens.

C’est pourquoi ils ajouteront à ces prescriptions soit le jeûne tous les Vendredis de Carême, soit l’abstinence d’alcool ou de vin, ou ils s’abstiendront de télévision. Ils s’efforceront de prier- davantage, d’assister plus souvent à la Sainte Messe, de réciter le Rosaire, de ne pas manquer la prière du soir en famille. Ils se sépareront de biens superflus pour aider les Séminaires, pour fonder des écoles, pour aider leurs prêtres à l’aménagement des chapelles, pour aider le développement des maisons des religieux et des religieuses.

Les prescriptions de l’Église ne concernent pas seulement le jeûne et l’abstinence, mais encore le devoir pascal.
Voici ce que recommandait le Vicaire capitulaire de Sion aux diocésains le 20 février 1919 :
1. Pendant le Carême, Messieurs les Curés feront deux fois le chemin de la Croix chaque semaine : un jour avec les enfants des écoles, un autre jour avec les autres paroissiens. Après le chemin de la Croix, on récitera les litanies du Sacré Cœur.
2. La Semaine de la Passion, c’est-à-dire la Semaine avant le Dimanche des Rameaux, il y aura un triduum dans toutes les églises paroissiales. Instruction – Litanies du Sacré Cœur en présence du St Sacrement – Bénédiction.
Dans ces trois instructions, Messieurs les Curés rappelleront à leurs paroissiens simplement et clairement quelles sont les principales conditions pour recevoir dignement le Sacrement de pénitence.
3. Le temps pendant lequel on peut remplir le devoir pascal est fixé pour toutes les paroisses du Dimanche de la Passion au 1er Dimanche après Pâques.
Pourquoi ces directives ne seraient-elles plus valables aujourd’hui ?
Profitons de ce temps salutaire au cours duquel Notre Seigneur a coutume de dispenser d’abondantes grâces. N’imitons pas les vierges insensées qui n’ayant pas d’huile dans leur lampe trouvèrent la porte de la maison de l’époux fermée et entendirent cette terrible réponse “Nescio vos” : “Je ne vous connais pas”.
*
Bienheureux ceux qui ont l’esprit de pauvreté, car le royaume des Cieux est à eux ; c’est-à-dire l’esprit de détachement des biens de ce monde.
Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés. Pensons à Jésus au jardin des oliviers qui pleura nos péchés. A nous désormais de pleurer les nôtres et ceux de nos frères.
Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la sainteté car ils seront rassasiés. La sainteté passe par la croix, la pénitence, la privation. Si vraiment nous recherchons la perfection, nous devons emprunter le chemin de la Croix.

Puissions-nous en ce Carême entendre l’appel de Jésus et Marie et nous engager à leur suite dans cette croisade de prière et de pénitence.

Que nos prières, nos supplications, nos privations obtiennent du Ciel que les responsables dans l’Église retournent à ses vraies et saintes traditions, seule solution pour que les institutions de l’Église revivent et refleurissent à nouveau.

Aimons à redire cette conclusion du “Te Deum” :
“In te Domine speravi, non confundar in aeternum” : “En vous, Seigneur, j’ai placé mon espoir, je ne serai jamais déçu.”

+ Marcel Lefebvre
Ancien Archevêque de Tulle
Fondateur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X
Rickenbach, le 14 février 1982 Dimanche de la Sexagésime

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Consignes de Mgr Lefebvre à ses prêtres



Mgr Lefebvre publia le 1er mai 1980 un recueil de règles et de facultés pour tous les prêtres de la Fraternité Saint Pie X. On y lisait les règles suivantes que son successeur immédiat fit disparaître :

Du jeûne et de l’abstinence
– Le jeûne est à observer : le Mercredi des Cendres, le Vendredi Saint, aux Vigiles de l’Immaculée Conception et de Noël, aux Quatre-temps et aux vendredis de Carême.
– L’abstinence les mêmes jours, plus les vendredis de Carême. Nous conseillons vivement d’encourager les fidèles à observer l’abstinence tous les vendredis et de jeûner les vendredis de Carême, et s’ils le peuvent d’étendre le jeûne et l’abstinence à tout le Carême et aux Quatre-Temps.
Fin des consignes de Mgr Lefebvre édictées dans les “Ordonnances”.

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Commandements de l’Église 
Code de droit canonique traditionnel

Canon[2] 1251 § 1 La loi du jeûne prescrit qu’il ne soit fait qu’un repas par jour ; mais elle ne défend pas de prendre un peu de nourriture matin et soir, en observant toutefois la coutume approuvée des lieux, relativement à la quantité et à la qualité des aliments.
§ 2 Il n’est pas défendu de consommer viandes et poissons au même repas ; ni de remplacer la réfection du soir par celle de midi.
Canon 1252 § 1 L’abstinence seule est prescrite les vendredis de chaque semaine.
§ 2 A la fois le jeûne et l’abstinence sont prescrits le mercredi des Cendres, les vendredis et samedis de carême, les jours des Quatre-Temps ; les vigiles de la Pentecôte, de l’Assomption, de la Toussaint et de Noël. (Pie XII transféra le jeune et l’abstinence la vigile de l’Assomption à celle de l’Immaculée Conception.)
§ 3 Le jeûne seul est prescrit tous les autres jours du Carême.
§ 4 La loi de l’abstinence, ou de l’abstinence et du jeûne, ou du jeûne seul, cesse les dimanches et les fêtes de précepte, exceptées les fêtes qui tombent en Carême ; on n’anticipe pas les vigiles ; cette loi cesse aussi le Samedi Saint à partir de midi.
Canon 1254 § 1 Sont obligés par la loi de l’abstinence tous ceux qui ont atteint sept ans révolus.
§ 2 Par la loi du jeûne, ceux qui ont accompli leur vingt et unième année et ce jusqu’au commencement de leur soixantième.
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[1] Sa mémoire a trompé Mgr Lefebvre comme le montrent les commandements de l’Église énoncés dans le code de droit canonique et rapportés ci-dessus.
[2] « Canon » est un terme ecclésiastique qu’il faut traduire ici par « article ».